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Le marché du travail : pas de ‘one size fits all’ pour les ressources humaines !

Quel est l’impact de l’évolution du marché du travail sur la vision des RH des différents secteurs d’activité ? Comment les entreprises font-elles pour s’adapter et attirer des talents (de niche), et quel est actuellement le niveau de diversité des contrats proposés par les organisations ? Pour aborder ces thèmes, Securex a réuni six responsables RH et quelques spécialistes du marché du travail afin d’ouvrir le dialogue lors d’une journée Table Ronde.

Autour de la table, on trouvait un mix de formations et d’expériences des plus intéressants, qui ne pouvait qu’enrichir les débats. Nous avons ainsi pu prendre la température de différents secteurs : automotive, retail, fintech, telecom, innovation consultancy et soins de santé. Mais on a également compris les défis qui se posent par exemple aux scale-up et aux organisations corporate, et aux acteurs régionaux et internationaux.

Les situations au sein de ces différents secteurs sont très diversifiées et dès lors difficilement comparables. Les participants ont néanmoins réussi à mener un dialogue inspirant et émaillé d’idées neuves.

Les principaux défis de chaque secteur :

  • Retail

L’évolution des attentes des consommateurs joue ici un rôle prépondérant au niveau des décisions stratégiques. L’online et l’offline se confondent de plus en plus, ce qui a des effets sur les politiques de carrière et de recrutement. « Le personnel commercial doit être capable de faire ressentir au client une expérience, car c’est en cela qu’il peut faire la différence. La façon de recruter et de sélectionner a changé. Nous sentons que cette évolution peut provoquer un clash entre les anciennes méthodes de travail et les nouvelles, avec son lot de partisans et d’opposants. L’exemple type est celui du recrutement par entretien vidéo », dit Bianca Ceulemans, directrice RH chez Hunkemöller.

  •  Automotive

En tant que pourvoyeur d’emplois, Volvo récolte les fruits de son image d’employeur, tout en en supportant le poids. Avec une ancienneté moyenne élevée chez les employés et les ouvriers, la mobilité de carrière et l’employabilité durable sont des sujets particulièrement importants sur l’agenda des RH. Surtout en ce qui concerne les nombreux travailleurs 50+. L’entreprise a-t-elle à se soucier de la pénurie de main-d’œuvre ? « L’image d’employeur stable compense largement, même en ce qui concerne les jeunes ingénieurs, du moins lorsqu’il s’agit de travail de jour. La combinaison travail d’équipe et ingénieurs étant un goulet d’étranglement. De même en ce qui concerne l’afflux en continu de travailleurs », déclare Gert Dekeyser, HR Manager chez Volvo Cars.

  • Soins de santé

Les compétences à bien communiquer sont bien souvent un défi dans l’environnement de travail des infirmières à domicile. « L’open feedback et la concertation sont essentiels au sein d’une équipe de soins auto-organisée, mais le sont également lors des contacts avec le patient et son environnement social. En outre, le personnel infirmier à domicile doit être capable de travailler en parfaite autonomie, tout en tenant un rôle de coordination et de coopération harmonieuse dans une équipe multidisciplinaire. Les jeunes diplômés ne sont en cela pas suffisamment préparés en termes de compétences », explique Danielle Van Landuyt, directrice P&O Wit-Gele Kruis Oost-Vlaanderen. Les RH font également face à des défis importants du fait de la présence de plusieurs générations de travailleurs. « Une grande partie de notre personnel n’a pas eu l’usage de technologie durant une grande partie de leur carrière. Les jeunes starters ont quant à eux grandi avec les smartphones et autres tablettes. Les jeunes préfèrent aussi un travail régulier à plein temps, ce qui n’est malheureusement pas la norme en matière de soins à domicile. Les processus administratifs informatisés et les horaires (souvent) à temps partiel sont quelques-uns des obstacles que nous devons concilier entre les différents groupes cibles sur le marché du travail », déclare Danielle Van Landuyt.

  • Télécommunications

Alors que la pension anticipée était depuis des décennies monnaie courante dans ce secteur, la question de la fin de carrière est désormais un thème RH important : comment garder les travailleurs plus longtemps en les sachant motivés ? Bien que la ‘mobilité’ soit l’une des dynamiques qui jouent un rôle dans l’évolution du marché du travail, le groupe des travailleurs ayant une ancienneté élevée n’a pas été immédiatement concerné. « C’est à nous de faciliter cette mobilité. Il faut parfois encourager les personnes à découvrir quelque chose de neuf. Ou du moins les aider à franchir le seuil pour tester les nouveautés. En finalité, c’est souvent un monde nouveau qui s’ouvre à ceux et celles qui exercent le même travail depuis des décennies », explique Inge Janssens, managing director Experience@Work, et précédemment HR Manager chez Proximus. Experience@Work est un projet avec lequel Proximus, KBC, Axa et 15 autres partenaires offrent à leur personnel plus âgé la possibilité de postuler auprès d’autres employeurs tout en restant inscrits sur le payroll de leur employeur actuel.

  • Fintech scale-up

Un core business en IT et une croissance ultra-rapide sont les ingrédients de la nouvelle dynamique RH de SilverFin. « Nous avons recruté un tiers de nos effectifs au cours des trois derniers mois », nous dit Stefaan Arryn, directeur RH chez SilverFin. Groupe cible : professionnels IT et experts-comptables hautement qualifiés. Origine : L’Europe. Lieu de travail : en remote, à domicile ou dans les bureaux. Un bien pour une approche spécifique du recrutement, une grande disponibilité et des résultats en forte croissance.

  • Tech innovation consultancy

200 experts effectifs  C’est le groupe cible, relativement limité, auprès duquel Addestino doit recruter : des experts de niche, la crème du secteur. Les gestionnaires connaissent les candidats par leur prénom et ne les approchent qu’à coup sûr. « On peut faire la comparaison avec un processus de vente où l’organisation joue son positionnement de manière stratégique pour se distinguer, et sait à qui elle doit s’adresser, quand et comment. Nous savons de qui nous avons besoin et comment notre business va correspondre aux attentes de ces experts. Nous savons comment nous positionner vis-à-vis d’eux, et quand ce n’est pas ou plus vraiment le bon moment », explique Dominique Buyse, co-fondateur d’Addestino. Par ailleurs, l’entreprise va proposer un contrat d’emploi classique assorti de conditions attrayantes et d’un processus de développement professionnel personnalisé.

Les RH sont-elles (bien) en phase avec les nouvelles formes de travail ?

Une chose est certaine après ce tour de table : la dynamique diffère suivant le secteur, la fonction et la catégorie d’âge. De ce fait, l’impact du changement que connaît le marché du travail ne se fait pas sentir partout de la même façon. C’est pourquoi les protagonistes assis à la table ne veulent pas d’emblée abandonner la relation employeur-travailleur. Même si les leviers du changement existent bien. L’ensemble des représentants présents est unanime : les deux éléments mis en avant par Frank Vander Sijpe, Director HR Research Securex, jouent un rôle primordial dans le développement de méthodes de travail alternatives.

  1. La guerre des talents

C’est indéniable. Être conscient que ses propres aptitudes et compétences sont recherchées, permet de connaître sa vraie position sur le marché du travail. On peut dès lors accomplir un travail qui correspond à ses objectifs professionnels et personnels. Il est certain que les oiseaux rares sont fort éloignés de la vision traditionnelle du marché du travail. Les clés que sont l’autonomie, l’implication et les compétences jouent un rôle essentiel au moment de faire des choix de carrière. Plus sa position sur le marché du travail est forte, moins il faudra faire de compromis. À cela s’ajoute la protection sociale de l’État providence qui va, dans une certaine mesure, compenser le besoin de sécurité grâce auquel le passage à l’entrepreunariat et au freelancing paraîtra plus évident.

  1. Les développements technologiques

Les nouvelles technologies changent la façon de travailler. Certains emplois deviennent obsolètes, d’autres sont radicalement modifiés. De nouveaux emplois voient le jour. De l’automatisation des processus de travail à la collaboration en remote, des nouveaux types de business aux réalités virtuelles. La technologie concerne absolument tout : ce que nous faisons, où nous travaillons et comment nous collaborons.

Six conclusions suite au dialogue créé par la Table Ronde

Avec chacun son propre bagage professionnel, les participants tombèrent toutefois souvent d’accord à l’unanimité. Voici les principales conclusions relevées :

  1. Malgré l’évolution du marché du travail, la sécurité demeure un désir fort pour la workforce Les organisations corporate sont plus particulièrement confrontées à une large population de travailleurs qui considèrent la sécurité et la stabilité comme facteur de motivation important. Des thèmes comme la politique de carrière durable sont plus prioritaires que le total talent management par exemple. Ou pour citer Frank Vander Sijpe : « HR est une communauté plutôt conservatrice et réactive. »
  1. Tirer les leçons des évolutions du monde de l’IT. Le premier secteur à avoir été confronté à la guerre des talents fut l’IT. Nombre de secteurs peuvent bien rester attachés à la façon de penser des RH, mais prendre en considération la façon dont la workforce IT s’en est tirée vous permettra de comprendre dans quelle proportion d’autres professions se trouvant en goulot d’étranglement vont devoir s’adapter dans l’avenir.
  1. L’application d’une politique RH innovante semble être plus simple lorsque l’organisation part de zéro. Son business model est plus innovant et plus agile. Les entreprises qui s’appuient sur un long historique sont confrontées au défi de devoir adapter leurs processus, leur business model et leur approche RH.
  1. Les entreprises ont tendance à réintégrer le cadre qui leur est familier. En restant dans les limites légales autorisées par la réglementation belge et en utilisant les mêmes KPI (Key Performance Indicators) depuis des décennies. Dans quelle mesure le KPI FTE (Full Time Equivalent) est-il encore pertinent ? Qu’en est-il lorsque des organisations doivent déployer 1.200 personnes pour obtenir 400 FTE ? Ou qu’en est-il des collaborateurs externes qui échappent littéralement au scope FTE ?
  1. Le cadre juridique limite la création d’une politique innovante ou sa remise en question. La Belgique reste avant tout partisane d’un contrat de travail classique, qui reste profondément enraciné dans notre culture de société. Voyez ce qui se passe lorsque vous sollicitez un prêt auprès d’une banque traditionnelle et que vous n’êtes pas en possession d’un contrat de travail. « Alors que la vision de la carrière change du côté des individus, les décideurs persistent à réagir avec une telle lenteur qu’on peut parler d’euphémisme », réagit Caroline De Baets, Sales specialist HR Consulting chez Securex. « Ce sont deux trains qui roulent sur deux voies différentes à deux vitesses différentes. Les décideurs politiques sont encore loin des réalités quotidiennes en la matière, ce qui donne une politique qui oblige les entreprises à penser dans le cadre traditionnel. »
  1. Le déploiement de freelances et de consultants se fait souvent de manière ponctuelle et sans avoir de vision claire. Souvent, les entreprises ne voient pas comment transformer la workforce traditionnelle en une workforce flexible, où les collaborateurs fixes et les freelances travaillent de concert. Les principaux problèmes : d’une part, savoir comment élaborer une politique équitable et transparente pour ceux et celles qui correspondent aux différents besoins. Et de l’autre, se conformer strictement à la réglementation dans le domaine du faux travail indépendant. « En tant qu’entreprise, vous pouvez élaborer des procédures juridiquement rationnelles pour éviter le piège du faux travail indépendant. Mais, plus important encore, ce qui est consigné par écrit doit être effectivement appliqué dans la pratique. Cela n’empêchera probablement pas d’avoir des discussions avec l’inspection sociale, sachant que le client employeur doit être prêt à répondre de ses actes devant un tribunal. Cela dissuade souvent les clients », précise Iris Tolpe, Director Legal chez Securex.

Nous concluons avec ce qu’a dit Patrick Lootens, Directeur Innovation chez Securex, en ouvrant le débat. Les RH voient au quotidien comment le monde du travail évolue : le struggle for talent, les évolutions technologiques, la montée en puissance des flexi-jobs, l’augmentation du nombre de freelances. Dans le même temps, les experts traditionnels du marché du travail font valoir que la flexibilité croissante de ce marché ne progresse pas à un rythme effréné. La vérité se trouve-t-elle à la croisée des chemins ? Probablement. Les échanges entre spécialistes nous ont appris au moins une chose. La disruption que connaît le marché du travail se manifeste différemment pour chaque individu, pour chaque organisation et pour chaque secteur. Faut-il nuancer la réponse ?  Sûrement. Mais mettre ses idées en commun permet d’élargir les horizons, d’aller au-delà du cadre traditionnel dans lequel les décisions sont prises chaque jour. Et c’est exactement ce dont les RH ont besoin aujourd’hui.